JAVIER ARTICA
Javier Artica est né en 1984 à Pampelune, Navarre. Diplômé en 2008 de l’École des Beaux-Arts de Salamanque, il a exposé de façon individuelle à Pampelune, Salamanque et Avilés. Il a notamment participé à des expositions collectives à Barcelone, Salamanque, Valladolid, Bilbao, Ségovie, Tolède, Pampelune et Estella-Lizarra. Nous lui avons consacré sa première exposition individuelle « Mécanismes de défense » à Madrid en novembre 2018. Depuis, Javier Artica vit et travaille à Madrid. Nous le représentons à présent en exclusivité en France, à Paris.
L’œuvre de Javier Artica s’inspire principalement de la Nature et puise ses références dans les courants de la Figuration critique et du Réalisme. En plus de ses peintures à l’huile, il réalise manuellement des collages à base de papiers récupérés dans de vieux magazines. L’univers onirique et surréaliste de ses collages lui sert de base, de croquis pour exécuter par la suite les mises en scène de ses peintures.
Conférence « Histoires de protection » avec Javier Artica,
Madrid, 14/01/19.
« J’ai ce besoin quasiment vital de raconter des histoires »
Galerie Tournemire – L’exposition « Mécanismes de défense » traite des différents mécanismes de protection existants à la fois dans la Nature et chez l’Homme, peux-tu nous expliquer comment t’es venue l’idée de cette série ?
Javier Artica – L’idée m’est venue petit à petit à partir de mes propres expériences. Déjà, il y a quelques années, je travaillais sur l’idée de la survie face à un milieu hostile. Ceci m’a amené à réfléchir sur cette nouvelle thématique. Depuis que j’ai terminé mes études d’arts appliqués, j’ai été très souvent en contact avec la nature, dans des milieux ruraux où l’ambiance générale n’était pas portée sur les questions de l’art et de la culture. Cette atmosphère peut parfois devenir pesante et agressive, et lorsque tu deviens conscient de l’existence de cette agression, la première chose à laquelle tu penses c’est : comment l’éviter ? De là viennent alors les mécanismes de défense.
G.T. – Tu t’intéresses aussi à l’idée d’occultation dans les portraits que tu peins, que ce soit de célébrités ou d’inconnus, qu’il y a t-il derrière ça ?
J.A. – Je pense que l’idée de passer inaperçu est, disons, très agréable. J’aime représenter des gens connus de pop culture car normalement on ne voit d’eux que la partie superficielle, leur travail, leur succès etc. Pourtant, cette surexposition ne peut pas perdurer dans le temps sans aucune protection, donc des éléments d’occultation (…). C’est pourquoi je m’intéresse aussi au monde animal, le parallèle avec la tortue qui se protège dans sa carapace est assez évident. Pourtant, personne ne se demande pourquoi les animaux se cachent et se protègent, non ? Et bien, ça devrait être la même chose pour les Hommes.
G.T. – Tu peins la Nature, les Hommes et les animaux comme un besoin de montrer tout ce qui nous entoure ; la peinture figurative est-elle la meilleure façon de représenter le monde ?
J.A. – Pas forcément. C’est pour moi la meilleure façon de communiquer car j’ai besoin d’une représentation concrète et parce que je suis attaché aux choses précises. La figuration est adaptée à la précision. Pour autant, cela ne veut pas dire que je ne m’intéresse pas au poétique mais il est vrai qu’au début j’ai besoin d’un matériel concret, figuratif et d’éléments identifiables. De plus, j’ai ce besoin quasiment vital de raconter des histoires, de donner un sens d’orientation à ma création. C’est peut être pour cette raison que la figuration répond au mieux à toutes ces questions.
G.T. – Une partie importante de ton œuvre se base sur des collages réalisés manuellement dans la tradition avant-gardiste du début du XXe et de la contre-culture de la fin des années 1980-1990. Pourquoi t’intéresser en particulier à ce médium ?
J.A. – Mon intérêt pour le collage est venu après une crise d’imagination, on ne peut pas mieux la qualifier. J’ai eu ce besoin de créer de nouvelles images, de sortir justement un peu de cette figuration stricte avec la peinture. De la même façon que les surréalistes avec l’écriture automatique, le collage m’a permis de créer de nouvelles interprétations du réel. Les images apparaissent facilement, le collage offre un nouveau terrain de recherche. Ce médium facilite le déblocage créatif, en le travaillant j’ai découvert de nouveaux éléments qui se répétaient et qui m’ont servis par la suite à réaliser mes peintures.
G.T. – Tes collages sont clairement plus surréalistes que le reste de ton travail et se prêtent bien à l’idée de narration, penses-tu que cette approche est plus efficace en terme de « représentation du monde » ?
J.A. – Il est vrai que mes collages sont plus narratifs que mes peintures. Pourtant, je conçois les peintures à partir des collages, une histoire unie les deux. On peut même dire que les tableaux fonctionnent un peu comme les collages puisque chaque pièce crée un ensemble, un montage mais il suffit de voir un seul collage pour comprendre son histoire. L’idée de montage dans les deux cas est essentielle (…). Peut être que le format collage est plus efficace pour représenter le monde puisqu’il s’inscrit dans l’actualité, un monde fait d’images. Ce qui est bien avec la peinture c’est qu’elle devient de plus en plus marginale et cela donne beaucoup de liberté.
G.T. – Aimes-tu l’idée d’un art engagé, et si c’est le cas, comment te définis-tu par rapport à ce terme ?
J.A. – J’ai toujours aimé cette idée, oui, quand on ne la limite pas à une étiquette. Il ne peut pas s’agir d’une posture car selon moi lorsqu’il y a une posture il n’y a pas d’engagement. Je me sens engagé dans le sens d’être conscient de produire des images qui ne représentent pas des stéréotypes. Nous ne devrions pas être esclaves des dernières modes et des discours célèbres d’un tel ou d’un tel, c’est tentant, mais ça n’aurait pas de sens. Je suis le premier à être conscient de la difficulté. En bref, il faut s’engager dans ce que nous avons choisi de faire.
G.T. – Quelle est ton analyse du monde de l’art actuel ?
J.A. – Je ne suis pas capable de répondre à cette question. La seule chose que je puisse dire c’est que ça ne m’intéresse pas, pour moi le plus intéressant se passe en dehors du monde de l’art.